La corde
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https://www.linternaute.com/television/serie-la-corde-p5633977/la-corde-e5633978/
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28 janv. 2022 à 21:37
Le contexte sociologique et l'époque diffèrent puisqu'ici, à la différence du roman,
il ne s'agit plus d'un petit village de paysans en des temps reculés s'apprêtant à moissonner les blés mais d'un groupe de scientifiques se préparant à collecter une importante moisson de données radio-astronomiques dont dépend un programme de recherche crucial sur les "répéteurs" (Fast Radio Bursts) ayant pour but de vérifier une théorie selon laquelle ces mystérieux objets cosmologiques pourraient être utilisés pour créer un maillage de l'Univers, chainant entre elles les galaxies (comme un entrelacs de cordes qui s'étendrait à l'infini).
La fascination qu'exerce la corde transcende la condition sociale et fait vibrer en chaque être humain la même corde émotionnelle qui pousse l'Homme à toujours aller de l'avant vers l'inconnu, au mépris du danger.
Mais la série fait plonger l'intrigue dans une dimension supplémentaire avec l'introduction du nouveau personnage central de Dani JOHANNES, jeune femme éthiopienne, dotée d'une double culture scientifique et philosophique, en plein doute sur sa foi en Dieu dont elle s'est détaché (possiblement après le décès injuste de sa tante qui souffrait de la même maladie incurable que Sophie Rauk), venue avec dans ses bagages le livre, "Une seconde Chance pour l'Homme, Essai sur la fin de Dieu", écrit par Sophie Rauk, à laquelle elle demande de diriger sa thèse basée sur l'étude des relations de Dieu avec la Science et les notions de choix et de libre arbitre, concepts à la base de la série LOST et dont la discussion (en rêve ?) entre Dani et Raimund donne la parfaite illustration.
Les membres de l'excursion qui ont entrepris de suivre la corde pour savoir où elle mène se trouvent confrontés à un choix quand ils découvrent que la corde disparait sous l'eau (qui est étrangement chaude).
Tous décident de plonger sous la cascade, à l'exception de Bernhardt qui avait fait demi-tour auparavant, mais choisissant de ne pas suivre le chemin de la corde dont il sait qu'elle fait le tour d'un ravin, ce dernier choisit d'emprunter un raccourci en traversant ce ravin et fait une chute mortelle.
Où cette plongée les a-t-elle menés ? Sont-ils toujours dans la même forêt ?
On peut sérieusement en douter car le temps semble s'écouler différemment pour eux et ceux qui ne les ont pas accompagnés !
De plus, à Dani qui se sent perdue et qui questionne sa foi, Raimund répond de manière ambigüe "Tu ne devrais pas", ajoutant "Tu as choisi de passer dans la faille", puis "Lâche prise, maintenant", ce qui indique aussi que son choix était un acte de foi et qu'elle doit se sentir en paix avec elle-même.
On a tout lieu de penser que le passage immergé sous la cascade est un portail ouvert sur un ailleurs.
Peut-être mêmes sont-ils tous morts noyés ou sont-ils bloqués entre la vie et la mort dans une sorte de purgatoire ?
Le comportement du groupe des cinq personnages - Sophie, Dani, Serge, Joseph et Leïla - qui ont choisi de suivre la corde est totalement aberrant.
Ils font preuve d'un étonnant détachement et n'éprouvent aucune émotion quand ils découvrent cinq squelettes (dont les postures semblent étrangement faire écho à leur destinées) : l'un maintenu contre un tronc par la corde tient une pierre entre ses mains (Sophie); un autre, face contre terre, a le crâne fracassé (Serge) ; un couple se tient dans les bras l'un de l'autre (Joseph et Leïla) ; un repentant, est agenouillé tête baissée (Dani).
Bien qu'ils supposent qu'ils soient entretués à cause de la corde, pas un instant, ils ne pensent qu'ils pourraient subir le même sort.
Ils consomment de vieilles boîtes de conserve sans se soucier qu'ils pourraient mourir empoisonnés.
Dans une attitude suicidaire, Leïla cède à l'attirance quasi physique qu'elle ressent pour la corde qui la rassure et montre une totale inconscience quand elle décide de la suivre en plongeant sous la cascade, sans envisager que cela pourrait être dangereux, et c'est son lien affectif avec elle qui pousse Joseph à la suivre sans réfléchir et la preuve qu'il ont survécu qui incite Serge, Dani et Sophie à les rejoindre, de l'autre côté. Sophie croit qu'il y a quelque chose pour elle là-bas. Dani pense qu'elle peut le faire aussi et Serge, par altruisme, décide de l'accompagner pour veiller sur elle.
Tout s'écroule pour Joseph qui a perdu toute raison et toute humanité en sacrifiant tout à son but jusqu'à la femme qu'il aime, Leïla, quand, marchant comme un robot, il atteint un point où la corde qu'il suivait croise une seconde corde et découvre que sa quête était vaine et qu'il a perdu tout ce qui donnait du sens à sa vie.
Le piège que constitue ce réseau de cordes est parfaitement illustré par le chapitre intitulé "Collés au fil d'une toile d'araignée" du roman.
Il en va tout autrement pour Agnès, aveugle, qui, d'abord sauvée d'une chute par la corde, parvient ensuite, en la coupant et en l'utilisant pour descendre dans le ravin, à rejoindre le corps de son mari, Bernhardt dont elle peut enfin faire le deuil.
On la voit s'éloigner en suivant le chemin d'un ruisseau qui serpente au fond du ravin, mais pas celui de la corde.
La corde se révèle bénéfique pour elle car elle lui permet de prendre conscience de ce qui est réellement important dans sa vie - Ulrik - et de tourner la page de sa vie professionnelle et personnelle.
La corde symbolise le chemin tracé (i.e. la destinée), faussement sécurisant, que l'on peut choisir de suivre aveuglément, sans se poser de questions.
Faire le choix de s'écarter de ce chemin en usant de son libre arbitre peut conduire à sa perte comme à son salut, tout dépend de la nature du but que l'on poursuit.
27 janv. 2022 à 23:43